Chez Jeanne, la Jeanne, Son auberge est ouverte aux gens sans feu ni lieu, On pourrait l'appeler l'auberge du Bon Dieu S'il n'en existait déjà une, La dernière où l'on peut entrer Sans frapper, sans montrer patte blanche Chez Jeanne, la Jeanne, On est n'importe qui, on vient n'importe quand, Et, comme par miracle, par enchantement, On fait partie de la famille, Dans son cœur, en s'poussant un peu, Reste encore une petite place… La Jeanne, la Jeanne Elle est pauvre et sa table est toujours mal servie, Mais le peu qu'on y trouve assouvit pour la vie Par la façon qu'elle le donne, Son pain ressemble à du gâteau Et son eau à du vin comme deux gouttes d'eau… La Jeanne, la Jeanne On la paie quand on peut des prix mirobolants : Un baiser sur son front ou sur ses cheveux blancs, Un semblant d'accord de guitare L'adresse d'un chat échaudé Ou d'un chien tout crotté comme pourboire… La Jeanne, la Jeanne Dans ses roses et ses choux n'a pas trouvé d'enfant Qu'on aime et qu'on défend contre les quatre vents Et qu'on accroche à son corsage Et qu'on arrose avec son lait… D'autres qu'elle en seraient toutes chagrines… Mais Jeanne, la Jeanne Ne s'en soucie pas plus que de colin-tampon Etre mère de trois poulpiquets, à quoi bon ! Quand elle est mère universelle Quand tous les enfants de la terre De la mer et du ciel sont à elle